Rituel de résurrection d'Aethar et d'Arfalandre

Nébet revêtit lentement les habits de cérémonie, la robe rouge ornée de la croix Ankh, du pilier Djed et du sceptre d’Anubis. Elle s’entoura ensuite des ailes tissées dans un lin si fin qu’il en était presque transparent. Enfin elle posa la coiffe sacrée du vautour sur ses cheveux.
Ainsi parée elle devenait Isis elle-même.

Elle entra dans la chambre funéraire, deux tables en granit étaient disposées au centre de la pièce, Aethar reposait sur celle de droite et le jeune Arfalandre sur celle de gauche.

Telle la déesse qu’ils avaient vénérés elle allait les emmener vers la vie de l’autre côté de la rive, en compagnie d’Osiris et de tous les Justes de Voix.

Elle contempla un instant le visage d’Aethar, un flot de chagrin monta dans ses yeux, elle passa une main dans ses cheveux, comment pourrait-elle se pardonner ?

Elle se reprit très vite, elle ne devait pas céder à ses émotions en cet instant, elle devait avoir le courage de sa déesse et la laisser l’envahir afin que s’accomplisse le mystère de la résurrection.
Nébet ferma les yeux, tendit les paumes vers le firmament et inspira profondément, faisant le vide dans son esprit elle invita Isis à prendre possession de son être.

La mère divine dirigea alors la cérémonie, elle lava le corps de ses enfants avec de l’eau du lac sacré mélangée à du natron en disant
« Je rassemble les chairs de l’âme complète, je guéris la mort, façonne le soleil, pierre d’or aux rayons fécondateurs et pétris la pleine lune, renouvellement incessant. Je vous transmets leur force. »

Elle apposa les mains sur le torse de chacun
« Vous allez accéder au lieu des transformations et de la vie renouvelée. Vous êtes la lumière et traversez la nuit. Puissent les divinités vous accueillir, leurs bras se tendent vers vous. »

Elle saisit la croix Ankh en bois doré qui ne la quittait jamais et la présenta devant le visage des défunts
« Qu’Osiris vous reçoive dans la demeure de naissance. »

Elle se tourna vers Aethar et prononça la formule de reconnaissance de la justesse de son âme
« Il a suivi son destin, sans lâcheté ni veulerie. Il est le fils d’Omen-Néfer. Puisse Osiris le recevoir en son royaume. L’astre unique rayonne, être de lumière parmi les êtres de lumière.
Puisque tu viens de l’île de Maât, sois animé de la triple naissance. »

Elle toucha sa bouche, ses yeux et ses oreilles d’un Sétep qu’elle avait fait sculpter en bois d’acacia doré finement et ciselé des hiéroglyphes de résurrection.
« J’ouvre ta bouche afin que tu prononces les paroles du Juste, j’ouvre tes yeux afin que tu puisses voir le chemin, j’ouvre tes oreilles afin que tu entendes le jugement de Maât. »

Elle se tourna ensuite vers Arfalandre et pratiqua le même cérémonial.

Elle poursuivi en s’adressant à chacun d’eux
« Seth est présent, après vous avoir tué il vous protège, désormais il ne vous infligera aucune blessure, son feu destructeur vous préserve de lui-même et conserve la chaleur de la vie. »

Elle leur appliqua l’huile consacrée à l’aide du petit doigt sur le front, les paupières, le nez et la bouche.

Elle quitta ensuite la pièce et scruta le ciel à la recherche du signe de l’accueil d’Osiris.

Elle ne dû pas attendre, très vite un ibis traversa le ciel, symbole de connaissance et de sagesse il représentait Aethar, il tournoya un instant au-dessus de Nébet avant de disparaître comme il était apparu.
Vint ensuite un papillon, aux ailes écarlates, ce symbole de jeunesse représentait Arfalandre.
Ainsi les deux hommes avaient été reconnus Justes de Voix.

Elle pénétra à nouveau dans la chambre et s’approchant des corps osirien elle entoura chacun à tour de rôle des ailes d’Isis en disant
« Vous êtes partis mais vous reviendrez. Vous dormiez mais vous vous éveillerez. Vous abordez aux rivages d’Occident mais vous vivrez. »
« Revenez dans votre temple sous la forme primordiale, revenez en paix.
Je suis votre sœur qui vous aime et chasse le désespoir. Ne quittez pas cet endroit, unissez-vous à moi, j’expulse le malheur !
La lumière vous appartient, vous rayonnez, venez vers moi, je vous enlace, assemble vos os et vos membres afin de devenir un être complet et accompli. »

Elle mima la remise en place des membres.

« Le Verbe demeure sur vos lèvres, vous repoussez les ténèbres, je vous protège à jamais. »
Elle posa ses doigts sur la bouche des défunts.

« Me voici au sein de ce sanctuaire mystérieux, résolue à vaincre le mal qui vous accable. Placez la vie en moi, je vous enclos dans la vie de mon être. »
Elle plaça sa main sur la poitrine de chacun puis sur la sienne et à nouveau sur celles des hommes.

« Je suis votre sœur, ne vous éloignez pas de moi. Dieux et hommes vous pleurent. Je vous appelle au sommet du ciel, n’entendez-vous pas ma voix ? »
« Votre nom est vie, notre mère vous engendre à nouveau et vous dévoilera votre nature secrète en la transmettant à son fils l’Osiris Aethar, à son fils l’Osiris Arfalandre.
De Rê, la lumière créatrice, naît l’Osiris Aethar, l’Osiris Arfalandre. »
« Je vous apporte les membres divins que j’ai réunis et je bâtis les supports de votre résurrection. »

Elle réunit ensuite les sept fioles sacrées et versa le contenu de chacune sur la tête, les bras, le torse, le bas ventre et les jambes des deux hommes en disant
« Votre Kâ se reconstitue, tout s’enlace et se délace, tout se mêle et se démêle, ce qui était éloigné se réintègre.
Hou, le Verbe
Iri, l’action
Néhèt, la victoire
Akh, l’illumination
Heka, la magie
Ouser, la vigueur
Seped, la précision »

Elle recouvrit les corps d’un voile de lin d’une rare finesse
« J’accomplis la réunion de votre Kâ et de votre Bâ pour que vous deveniez un Akh. Je nourris de puissance votre Kâ et acclame la verve de votre Bâ gorgé de soleil. »
« Rê vous donne l’or issu d’Osiris. Thot vous marque au sceau du métal pur né du Dieu grand.
Votre momie est stable et cohérente comme la pierre des mutations provenant de la montagne de l’Orient.
L’or illumine votre visage et vous permet de respirer, il rend vos membres efficients.
Grâce à Maât, l’or des Dieux, vous passez du périssable à l’impérissable, elle reste face à vous et ne s’éloigne pas du corps de résurrection. »

A nouveau elle se saisit du Sétep et le présenta devant les yeux d’Aethar puis d’Arfalandre
« Vos yeux sont ouverts, vivez la vie et ne mourrez pas la mort, elle vous quitte et s’éloigne de vous. Vous étiez bien morts mais vous revivrez davantage que l’Ennéade, sain et sauf, pour le maître de l’unité. Les portes du sarcophage s’ouvrent, Geb, le régent des Dieux, redonne la vision à vos yeux. »

En désignant les jambes elle continua
« Il étend vos jambes qui étaient repliées, Anubis raffermit vos genoux, vous pouvez vous mettre debout.
La puissante Sekhmet vous redresse, vous reprenez connaissance grâce à votre cœur, vous retrouvez l’usage de vos bras et de vos jambes, vous accomplissez la volonté de votre Kâ. »

S’adressant à chacun elle dit enfin
« Relève-toi Osiris Aethar
Relève-toi Osiris Arfalandre
Le cadavre a disparu, tu apparais dans l’or du Levant, vivant à jamais car ton être est stable comme la pierre de lumière.
Tu renais de la puissance créatrice, née d’elle-même, elle t’a conçu dans son cœur et tu n’es plus né d’un enfantement. »

Nébet poussa un profond soupir, Isis quittait son corps, le rituel était accompli, Aethar et Arfalandre avaient rejoint l’Amdouat, ils étaient vivants dans l’autre monde et elle les retrouverait à travers le Rêve mais bien qu’elle ait cette certitude elle porterait en elle à jamais la douleur de les avoir perdu.
Quittant la pièce avec lenteur elle laissa à présent les embaumeurs achever de rendre les corps de ses compagnons impérissables.