Nébet s’est levée aux aurores, comme tous les gens du temple ce matin-là, elle a quitté ses habits bleus de deuil pour la tenue blanche immaculée rituelle, elle ne porte aucun bijou et pour seul maquillage elle n’a entouré que ses yeux de Khôl d’un noir intense.
Après avoir accompli le rituel du lever d’Isis, elle a gagné le domaine des embaumeurs pour ouvrir la bouche, le nez, les yeux et les oreilles des momies d’Aethar et d’Arfalandre, elle a disposé elle-même des amulettes entre les bandes de lin fin et elle a passé au cou de chacun un collier d’or finement ciselé qu’elle a fait fabriquer pour l’occasion, récompense ultime pour les services qu’ils ont rendus au temple, elle a également passé au cou d’Aethar le pendentif de Duncan que celui-ci a voulu laisser à son compagnon avant qu’on ne place le corps osirien dans son premier cercueil.
Elle a ensuite rejoint les membres du temple dans la grande cour, les barques solaires ont été posées sur de lourds charriots qui vont être tirés chacun par deux bœufs, un cinquième animal est attaché au bras d’un serviteur tandis que les autres portes des corbeilles chargées de fruits, de légumes, de pain, de fleurs et de mets délicats. D’autres encore portent des jarres remplies de bière douce et de vin du Delta, viennent enfin les meubles et objets du quotidien qui seront déposés auprès des défunts pour leur servir dans l’au-delà à leur vie éternelle.
Les pleureuses gémissent, se couvrant la tête de terre et le visage de boue, leur robe déchirée elles se frappent la poitrine et la tête en criant leur désespoir.
Le prêtre désigné pour devancer le cortège a revêtu la peau de léopard et il tient dans sa main droite un encensoir en argent frappé de l’œil Oudjat, un délicat parfum d’encens se fait sentir alors que Rê quitte son zénith pour gagner lentement la rive occidentale et que l’on amène les sarcophages.
Les momies d’Aethar et Arfalandre ont été recouvertes d’un masque les représentant, elles ont ensuite été placées dans un premier cercueil en cèdre qui épouse parfaitement la forme de leur corps, de riches peintures ornent son couvercle et le défunt est représenté les bras croisés dans la position d’Osiris sur la poitrine, le second cercueil est en bois d’acacia et orné de représentations d’Isis qu’ils ont si fidèlement servis, elle entoure de ses ailes les défunts.
Le dernier sarcophage est en basalte, d’un noir profond, les gravures blanches contrastent merveilleusement, elles parlent des héros et de leurs exploits au nom d’Isis, sur le côté gauche des yeux ont été dessinés permettant ainsi aux morts de communiquer avec le monde extérieur à leur guise. Leur visage a également été gravé et une représentation d’Isis protège leurs pieds.
Ils sont placés sur leur charriot respectif et entourés de leurs vases canopes. Une statuette d’Isis entièrement recouverte d’or est placée à la tête et aux pieds de chacun.
Le cortège se met en route, le prêtre en tête disperse l’encens au gré du vent afin d’ouvrir le chemin et écarter les mauvais esprits, les pleureuses hurlent, chacun marche en silence mais en se frappant la tête, Nébet suit directement les deux charriots en serrant contre elle sa croix Ankh, Duncan à sa droite le visage grave, Nedrisch le suivant et Raïa à sa gauche.
Ils traversent les rues et se dirigent vers l’Ouest jusqu’à la Nécropole accompagnant le soleil qui décline peu à peu. Les tombes sont côtes à côtes et chaque charriot se place devant la dernière demeure des deux hommes.
Le cinquième bœuf est alors sacrifié, son sang répandu à l’entrée de chaque tombe.
Les serviteurs déchargent les sarcophages tandis que les pleureuses hurlent de plus belle, se jetant à terre en arrachant davantage leur vêtement.
Nébet se place à côté d’Arfalandre en compagnie de Raïa, celui-ci prend la place du frère absent et ouvre, à sa place et pour la dernière fois, la bouche, les narines, les yeux et les oreilles du jeune homme à l’aide d’une herminette afin de lui rendre ses sens et de laisser son Bâ et son Kâ regagner son corps, Nébet quand à elle incarne la mère d’Arfalandre en déposant sur ses lèvres un baiser et sur sa poitrine un collier de fleurs de lotus bleu.
Elle se tourne alors vers les Sâbsaeks et les Dârtahâs et leur dit d’une voix claire et forte : « Arfalandre a reçu l’or de la bravoure, il orne son cou pour que chacun le reconnaisse dans l’autre monde, devant vous ses frères d’armes je le nomme Sakenthy en reconnaissance de sa valeur et de son sacrifice. »
Ensuite elle se rend auprès d’Aethar en compagnie de Duncan et ensemble ils procèdent au même rituel pour leur compagnon. Une larme coule le long du visage de la grande Prêtresse au moment où elle se penche sur lui et Duncan ne peut réprimer un émoi semblable.
Reprenant ses esprits elle se tourne à nouveau vers les troupes armées et déclare : « Aethar a reçu l’or de la bravoure, je l’élève au grade ultime d’Ouserkâ, puisse-t-il toujours veiller sur vous depuis l’autre rive et insuffler à ses hommes une parcelle de son courage et de sa témérité. »
Les Sâbsaeks frappèrent alors en cœur leurs boucliers de leur épée, sept fois en l’honneur d’Arfalandre et sept fois en celui d’Aethar.
Alors que Rê touche l’horizon, tous pénètrent dans la première salle du tombeau, les parois ont été recouvertes de représentations de son occupant dans les scènes commandées par Nébet en personne et retraçant la vie de ses compagnons, leurs exploits et leurs victoires.
La seconde salle voit ses murs ornés de scènes du passage du mort devant le tribunal de l’au-delà, il honore les dieux et reçoit leur jugement, la pesée de leur cœur accomplie ils peuvent accéder à l’Amdouat.
Vient enfin la salle du sarcophage, Nébet l’a fait sculpter sur place dans un énorme bloc de granit recouvert d’inscription du livre des morts et paré lui aussi des yeux sacrés sur ses flancs, la statuette d’Isis est placée à sa tête et l’autre à ses pieds. On y dépose délicatement le cercueil entouré de ses armes, de son tabard, d’amulettes de toutes sortes, d’un couteau et d’un bâton avant de sceller le couvercle pour l’éternité. Le prêtre inonde la salle d’encens.
Les vases canopes sont placés sur les côtés sur une table en bois de cèdre doré finement.
Vient ensuite le mobilier, les offrandes et cadeaux que Nébet a rassemblés pour leur bien être, la nourriture et les jarres.
Nedrisch s’avance à son tour et dépose une dague qu’il retire de son fourreau, le pommeau est en argent ciselé, un scarabée est finement gravé sur le haut de la lame parfaitement aiguisée.
Nébet regarde cet homme offrir à son maître cet ultime présent qui doit représenter toute sa fortune, elle pense alors qu’Aethar était vraiment un homme remarquable pour inspirer un tel respect et un tel dévouement, elle mesure encore plus l’ampleur de la perte qu’elle subit là.
Tout le monde se retire, Nébet est la dernière à quitter le lieu, tout au long de ce dernier rite elle a prié en silence et a laissé son Kâ voyager jusqu’à ses frères pour leur faire un dernier adieu, assurée qu’ils sont en paix elle peut enfin se retirer et faire sceller l’entrée de chaque salle.
Sujet: Les funérailles 
Ven 24 Déc - 14:31
